Les tiques et la maladie de Lyme: une association parasitaire remarquable

Avec l’été touchant à sa fin, et les belles balades d’automne en famille arrivant à grand pas, la maladie de Lyme n’a pas fini de surprendre – littéralement. Afin de mieux la comprendre, nous vous proposons aujourd’hui un court rappel de l’essentiel, pour l’urgentiste.

Un grand merci à Leeor Sommer pour sa présentation au récent Emergency Medicine Update conference ainsi qu’a Oleg Uryasev pour son post sur le blog FOAM EMDocs, ainsi qu’à Biomedical Ephemera pour l’illustration.

 


 

Nous sommes, en Suisse, l’un des « épicentre » et berceau de la maladie de Lyme pour l’Europe. Habiter dans la région du Jura, la croissance du nombre d’animal sauvage porteurs de tiques (en raison de la protection des animaux) et le réchauffement climatique sont des facteurs de risques pour la maladie de Lyme (3, 4, 5) et promettent une augmentation des cas dans le futur. Aux USA, le réchauffement climatique est d’ailleurs cité comme l’une des principales raisons pour l’augmentation des cas autrefois limités à la frontière canado-étasunienne (4). Il nous semble dès lors important de revoir nos bases pour être prêt.

Un petit peu d’histoire : la maladie de Lyme n’est pas récente – le fameux Ötzi, l’homme des glaciers découvert il y a plus de 20 ans et datant de (est.) 3300 AC, présentait des traces de la maladie dans son génome (4).

La maladie de Lyme, comme vous le savez sûrement, est une infection due à la bactérie Borrelia burgdoferi, transmise par les tiques Ixodes et leurs nymphes (jeune tique, mesurant 1mm et donc difficilement repérable !).

La maladie de Lyme se présente à nous sous 2 formes : Aigue et Disséminée

Lyme aigue

La grande majorité des patients atteint de Lyme se présenteront aux Urgences avec la forme aigue de la maladie, soit avec des symptômes viraux aspécifiques mais avec une clé diagnostique : l‘érythème migrans, en forme de cible qui comme son nom l’indique, « migre ». Cet érythème peut également se présenter sous une forme moins typique (voir ci-dessous) avec un simple érythème et une croûte.

 

erythema_migrans 

Lyme disséminée

A prendre beaucoup plus au sérieux : souvent réfractaire, il faut y penser lors de :

  • Paralysie du nerf facial bilatérale
  • Méningite/encéphalite aseptique en été (FSME)
  • BAV, particulièrement lors d’un PR>300ms en BAV du 1er (Cardite de Lyme) -> CAVE : suspicion d’un Lyme chez un patient en BAV du 1er – discuter l’admission car peut se convertir en BAV du 3e
  • Mono-arthrite aiguë avec épanchement (en particulier « grandes articulations »)

 

Paralisis_facialMOCHE

Représentation d’une Paralysie Faciale, Culture Moche, 300 A.D. Larco Museum Collection Lima, Peru.

 

Diagnostique

En phase aiguë, la borréliose ne déclenche pas de réponse IgG/IgM rapide, et une immunodétection sera négative – le test peux même être négatif jusqu’à 30 jours (IgM) – il est donc à refaire au bout de 2 semaine dans les cas de haute suspicion. Au-delà de 30 jours de symptômes, le CDC ne recommande plus qu’une immunodétection d’IgG. En cas de maladie de Lyme disséminée, le test sera positif mais attention : une fois qu’une personne a été infectée, le test sera positif à vie. Il existe un syndrome « post-Lyme » caractérisé par des symptômes viraux qui peuvent persister plusieurs années post infection, rendant difficile la décision de re-traiter…

 

Traitement

Bien entendu, il est important de se référer à un antibiogramme et aux recommandations locales, afin de cibler son traitement. Ci-dessous, nous tentons un résumé rapide du traitement « international standard » s’il existe une forte suspicion clinique (voir ci-dessus).

Aiguë

  • Doxycycline (de 10 à 21 jours)
  • Amoxicilline or Cefuroxime si <8 ans
  • Si allergie a la Pénicilline : ad macrolides (plus haute probabilité d’échec)

Si DD de cellulite vs Erythème Migrans, ad Amoxicilline-Acide clavulanique (traite les 2)

Disséminée

  • Ceftriaxone ou Pénicilline G IV

En cas d’arthrite, ad Doxycycline, mais une résistance existe

 

Traitement en cas de piqure de tique asymptomatique

Aa, ce fameux débat (« Docteur, j’ai entendu qu’il fallait traiter dans tous les cas” ?), un vieux dogme ou est-ce réellement d’actualité ? La toute première chose à faire est de retirer la tique en veillant à enlever tout l’animal – ci-dessous une vidéo d’un sujet se laissant piquer et démontrant comment retirer la tique. CAVE : il faut à tout prix essayer de retirer le corps complet en prenant la tique au plus près de la peau. Dès que retiré, il ne faut pas oublier de désinfecter, puis demander au patient d’observer la zone.

 

Si la tique a été attachée moins de 24 heures, le risque de borréliose est très faible – plus de 24h00, le risque est inconnu. Les options sont dès lors :

  • Observer
  • 200mg de Doxycycline en dose unique
  • 14 jours de Doxycycline ou 10j d’Amoxicilline si <8 ans

 

Number needed to treat (NNT) :

  • Prévenir un érythème migrans : 50
  • Prévenir la Lyme disséminée : 160
  • Si la tique est engorgée : 11

 

Addendum

 En France, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), l’Agence nationale de sécurité sanitaire et le Ministère de la Santé (avec Le laboratoire d’excellence ARBRE et l’Université de Lorraine) ont lancé mi-juillet une application permettant aux promeneurs de signaler quand et où une tique les a piqués (voir plan national Lyme et projet CiTIQUE) – a transmettre a vos patients au profit des patients.

Android: https://play.google.com/store/apps/details?id=com.inra.VigiTic&hl=en

iOS: https://itunes.apple.com/fr/app/signalement-tique/id1257654095?mt=8


Bibliographie

 

  1. Site de l’OFSP (Confederation Helvetique):  https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/themen/mensch-gesundheit/uebertragbare-krankheiten/infektionskrankheiten-a-z/borreliose-lyme-krankheit.html
  2. http://2017.emupdate.ca/
  3. Leeor Sommer. www.emdocs.net/lyme-disease-ed-presentations-management-pearls-pitfalls/
  4. Lindgren E, Jaenson TGT. Lyme borreliosis in Europe: influences of climate and climate change, epidemiology, ecology and adaptation measures. Copenhagen: World Health Organization; 2006
  5. Beard, C.B., R.J. Eisen, C.M. Barker, J.F. Garofalo, M. Hahn, M. Hayden, A.J. Monaghan, N.H. Ogden, and P.J. Schramm. 2016. Chapter 5: Vector-borne diseases. The impacts of climate change on human health in the United States: A scientific assessment. U.S. Global Change Research Program. 
  6. Factsheet for health professionals – Lyme borreliosis. Stockholm: European Centre for Disease Prevention and Control; 2010
  7. https://www.livescience.com/18704-oldest-case-lyme-disease-spotted-iceman-mummy.html
  8. Steere AC, Sikand VK. The presenting manifestations of Lyme disease and the outcomes of treatment. N Engl J Med 2003; 348:2472.
  9. Gary P. Wormser et al. The Clinical Assessment, Treatment, and Prevention of Lyme Disease, Human Granulocytic Anaplasmosis, and Babesiosis: Clinical Practice Guidelines by the Infectious Diseases Society of America. IDSA Guidelines 2006.
  10. Krupp LB, Hyman LG, Grimson R, Coyle PK, Melville P, Ahnn S, Dattwyler R, Chandler B. Study and treatment of post Lyme disease (STOP-LD): a randomized double masked clinical trial. Neurology 2003 Jun 24;60(12):1923-30.
  11. Cameron DJ et al.  Evidence assessments and guideline recommendations in Lyme disease: the clinical management of known tick bites, erythema migrans rashes and persistent disease. Expert Rev Anti Infect Therapy. Expert Rev Anti Infect Ther. 2014 12(9): 1103-35.
  12. Warshafsky S, et al.  Efficacy of antibiotic prophylaxis for the prevention of lyme disease: an updated systematic review and meta-analysis. J antimicrob chemother, 2010 jun;65(6):1137-44.

 

 

 

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