Tout patient ayant eu le droit à sa dose d’adénosine vous le dira : « si ce n’est pas urgent, non merci ! » La longue liste d’effets secondaires et l’inconfort du patient justifient que l’on utilise pas un tel produit « avec légèreté ». Et si nous rajoutons en plus le fait qu’il existe des alternatives plus efficaces, est-il temps de considérer l’adénosine comme un remède « du passé” ?
Un grand merci à Dr. Justin Morgenstern et son post sur First10em.com pour l’inspiration, et a Dani Sanchis pour son illustration.
L’intégration du patient dans le choix de sa thérapie doit si possible être monnaie courante au sein de votre département. Si votre patient souffrant de palpitations sur TSV avait le choix entre un médicament qui fonctionne environ 90% du temps mais est associé à des DRS et Dyspnée d’apparition soudaine (un patient me l’a décrit comme « un train qui m’est rentré dans le thorax), ou un médicament qui fonctionne à quasiment 100% sans réel effet secondaire, lequel des deux pensez-vous qu’il choisirait ?
Ces deux médicaments, il s’agit de l’adénosine et, plus généralement, des anticalciques. En 2006, le groupe Cochrane établit une revue sur le sujet, identifiant 8 Randomised Clinical Trials (RCTs) qui comparent l’adénosine aux anticalciques (plus particulièrement, le verapamil), sans réelle différence pour le taux de conversion, mais avec plus d’effets secondaires (Dyspnée, DRS, Nausées, Céphalées) pour l’adénosine (10.8% vs. 0.6%, p<0.001) sans pour autant être « significatif » (mortalité/morbidité). De plus, la TSV réapparaissait plus fréquemment avec l’adénosine (statistiquement non-significatif avec p=0.09, 10% vs. 2% respectivement). Donc le débat est clos ? Pas vraiment… en 2012, il était supposé y avoir une revue de la méta-analyse Cochrane mais qui n’a jamais été finalisée, faute de moyen. Par contre, 2 nouvelles études ont été incorporées dans les travaux préliminaire (prépublication), sans qu’il n’y ait un réel changement dans l’opinion (une méta-analyse par Delaney et al. en 2011 présente la même conclusion).
Parmi les 2 nouvelles études identifiées par Cochrane en 2012, une étude de type RCT par Lim et al. en 2009 sort du lot : 206 patients se présentant auprès d’un département des Urgences avec une TSV ont été séparés en 3 cohortes : 104 patients ont reçu le traitement « traditionnel » d’Adénosine 6mg push IV +/- 12mg si échec de la première dose, 54 ont reçu du diltiazem (2.5mg/min jusqu’à cardioversion, max 50mg), et du verapamil (1mg/min jusqu’à cardioversion, max 20mg). Les anticalciques ont eu un meilleur taux de cardioversion (98% vs. 86.5%, p=0.002), avec néanmoins une augmentation du risque d’hypotension transitoire (ca. 30 min, max TAsyst ≤100mmHg). Le groupe adénosine était également plus cher vis à vis du traitement et nécessitait plus d’équipement/personnel lors de l’administration.
Conclusion
Donc que faire ? Tout d’abord, il faut maintenir un œil critique par rapport à la littérature – ces études ne sont pas des « monstres » qui prouvent A=B, mais plutôt de petites études bien formulées avec leur marge d’erreur, et des méta-analyses relativement bien faite. En pratique, ceci équivaut donc à :
- Débuter par un anticalcique a un sens. Selon les études, l’hypotension modeste passagère a lieu plus souvent avec l’utilisation du verapamil (Cave : pas d’étude comparant les deux anticalciques directement), donc pourquoi jouer avec le diable quand vous savez que le diltiazem est disponible chez vous. Sachant que 75% des patients seront convertis avec 18mg selon Lim et al., débutez avec 15mg de Diltiazem en lent (dans 100ml de NaCl, sur 10 minute en iv) – si non convertit, continuez avec une perfusion a 2.5mg/min (max. 50mg). Préparez-vous néanmoins à l’hypotension (d’autant plus si vous n’avez que du verapamil – en règle générale 10mg sur 10min convertit la majorité des patients) – Justin Morgenstern recommande que si une hypotension se présente, un bolus de cristalloïde soit administré +/- 1 ampoule de Calcium Chloride (3x plus de Calcium que le Calcium Gluconate, qui dépend du métabolisme de premier passage – attention : nécrose tissulaire si transvasations), et au pire des vasopresseurs. Mais rappelez-vous que la TSV peut péjorer l’hypotension, donc n’oubliez pas : instablilité=électricité
- Rappel : chez le patient instable, ces études ne démontrent rien. Un patient en état de choc sur insuffisance cardiogène (dyspnée, hypotension, diminution de la perfusion cérébrale) n’a besoin que d’une chose : une cardioversion synchronisée (« électrique »). En attendant que les patchs soit mis, vous pouvez tenter de l’adénosine mais que cela ne prolonge pas le temps jusqu’au choc électrique !
Bibliographie
Holdgate A, Foo A. Adenosine versus intravenous calcium channel antagonists for the treatment of supraventricular tachycardia in adults. The Cochrane database of systematic reviews. 2006. PMID: 17054240
Delaney B, Loy J, Kelly AM. The relative efficacy of adenosine versus verapamil for the treatment of stable paroxysmal supraventricular tachycardia in adults: a meta-analysis. European journal of emergency medicine. 2011; 18(3):148-52. PMID: 20926952
Lim SH, Anantharaman V, Teo WS, Chan YH. Slow infusion of calcium channel blockers compared with intravenous adenosine in the emergency treatment of supraventricular tachycardia. Resuscitation. 80(5):523-8. 2009. PMID: 19261367