CoronaVirus Disease 2019 [CoViD-19]: l’essentiel en résumé
L’importance de l’Evidence-Based Medicine [EMB] dans notre quotidien de prise en charge des patients aux Urgences, et la nette diminution des prises en charges non validées scientifiquement, est désormais un fait avéré. Mais l’émergence d’un nouveau virus semble avoir remis ce principe même de la médecine en cause. Faute de temps, de rétrospecte mais également face a une situation ou nous n’avons pas les réponses, nous avons vu émerger de multiples opinions à propos du CoronaVirus Disease 2019, ou CoViD-19 pour les intimes. Ce virus est certes nouveau, et diffère des grippes auxquelles nous sommes habitués, mais y’a-t-il des lors lieu de remettre le principe fondateur de la médecine moderne pour répondre à cette panique. Certes les connaissances au sujet du COVID-19 sont moindres et nous remarquons une résurgence du « learning by doing », mais de là à prêcher ? Avant de se lancer a tout va dans l’extrapolation de conclusions d’expérience de « chasse » (tels traitement a fonctionné avec 3 patients donc bim-bam-boum), nous vous proposons un résumé de ce qu’est le CoViD-19, et de l’évidence que nous avons acquise à ce jour (14 Avril 2020).
Le COVID-19 est un Bétacoronavirus qui se lie aux récepteurs de l’enzyme de conversion de l’angiotensine 2 (ACE-2) pour pénétrer une cellule. L’incubation est de 2 à 14 jours, le R0 entre 2.3-2.6 (grippe saisonnière R0=1.3, rougeole R0=12-18), la mortalité globale est de 2.3% (grippe=0.1%). Cette mortalité diffère par ailleurs selon l’âge et est bien évidement : <39 ans 0.2%, 50-59 ans 1.3%, 60-69 ans 3.6%, 70-79 ans 8%, >80ans 14.8%. Pour les professionnels de santé, le taux de mortalité est actuellement (malheureusement) à 0.3%. Notons qu’il est actuellement difficile de modéliser les taux d’infections et mortalité réels au vu des stratégies de dépistage qui différents entre chaque pays, et la manière dont les décès CoViD-19 (décès qui sont par ailleurs du a autre chose complètement) sont rapportés. En effet, le mot CoViD-19 peut tout à fait être rapporté sur le certificat alors que la cause de décès est autre, mais les statistiques reprennent le nom CoViD. Il est donc actuellement absurde de comparer les taux d’infection et les taux de morts entre les différents pays sans prendre de grandes précautions (surtout si l’on regarde le nombre de cas rapporté par rapport aux rapports médiatiques, etc).
La transmission du virus est par gouttelettes et reste possible durant la période asymptomatique, surtout dans les 3 jours précédents l’apparition des symptômes (à Singapour, 6.4% des 157 cas acquis localement auraient été transmis par une personne en période d’incubation). Le virus étant morphologiquement gros (125nm, le plus gros des virus à ARN), des mesures de prévention comme un masque en papier, des gants, une blouse, une charlotte combinée à une hygiène stricte sont efficaces contre le virus, et ont fait leurs preuves. Il convient cependant d’utiliser un masque de type FFP2 lors de risque élevés d’aérosolisation comme lors de prise en charge des voies aériennes (ex. intubation). Les facteurs de risques établis sont: HTA, diabète, maladie cardiovasculaire, maladie pulmonaire chronique, cancer, IRC. Les facteurs de risques présumés sont : immunosuppression, obésité (BMI>40), dysfonction hépatique.
Une évolution totalement asymptomatique est possible mais de proportion inconnue (estimée à 17% dans une étude faite sur le bateau de croisière « Diamond Princess » et à 50% au sein d’un dépistage de masse en Islande). Les symptômes sont légers dans 81% des cas (anosmie isolée fréquente), les atteintes sévères (hypoxie, pneumonie) sont remarquées dans 14% des cas, et l’atteinte est critique dans 5% des cas (détresse respiratoire, choc, défaillance d’organe). Les valeurs laboratoires associées à une mauvaise évolution sont : Lymphopénie, augmentation des enzymes hépatiques, paramètres inflammatoires, d-dimères, troponines, TP, créatinine, CK.
Le syndrome de détresse respiratoire aigüe (SDRA ou ARDS en anglais) survient chez 20 à 40% des patients COVID critiques. Pour rappel, c’est un processus inflammatoire atteignant les poumons induisant un oedème pulmonaire non-hydrostatique, riche en protéines. Les conséquences immédiates sont l’apparition d’une hypoxémie profonde, une diminution de la compliance pulmonaire (quoi que pas systématique chez les patients CoViD-19) ainsi qu’une augmentation du shunt intra-pulmonaire et de l’espace-mort. Au plan ultrastructurel, on retrouve une inflammation aigüe de la barrière alvéolo-capillaire, une déplétion en surfactant et une baisse de l’aération pulmonaire. La définition la plus récente du SDRA dite définition de Berlin, a été proposée par un groupe de travail sous l’égide de l’European Society of Intensive Care Medicine (ESICM). Le SDRA y est défini par la présence dans les 7 jours suivant une pathologie pulmonaire ou extra-pulmonaire aigüe de l’association d’une hypoxémie aigüe (PaO2/FiO2 ≤ 300 mmHg) chez un patient ventilé avec une pression expiratoire positive (PEP) de 5 cmH2O au moins, ainsi que d’infiltrats radiologiques bilatéraux non entièrement expliqués par une insuffisance cardiaque ou une surcharge volémique. La définition de Berlin distingue les SDRA selon le rapport PaO2/FiO2 en SDRA légers (200 < PaO2/FiO2 ≤ 300 mmHg), SDRA modérés (100 < PaO2/FiO2 ≤ 200 mmHg) et SDRA sévères (PaO2/FiO2 ≤ 100 mmHg).
Aucun traitement spécifique n’est actuellement validé par des études. Un essai clinique international, lancé par le WHO et appelé « Solidarity trial », est en cours et évalue 4 traitements différents (remdesivir, chloroquine/hydroxychloroquine, ritonavir/lopinavir, ritonavir/lopinavir et interféron béta).
- Le Remdesivir a montré une efficacité contre le virus COVID in vitro. Plusieurs études randomisées évaluant l’efficacité du Remdesivir contre le coronavirus sont en cours.
- La Chloroquine et l’hydroxychloroquine inhibe la réplication du coronavirus in vitro. Des études chinoises non publiées ainsi qu’une étude randomisée mais non contrôlée montrent que la chloroquine est associée avec une diminution de la durée des symptômes. Une étude récente du NEJM montre que l’administration de chloroquine chez les patients hospitalisés est corrélée avec une augmentation des besoins en terme de supports ventilatoires. Les autres études disponibles sur l’hydroxychloroquine sont tout simplement indigne de la pensée scientifique : pas de groupe contrôle, cohortes de patients non significative, exclusion des patients évoluant mal, aucune randomisation, pas de primary outcome clair, et j’en passe. Ces études ne devraient pas faire l’objet de notre attention et surtout pas inciter notre pratique médicale. Notons par ailleurs qu’une étude clinique chinoise viens d’être stoppée en raison d’une augmentation de la mortalité d’origine cardiaque, chez les patients sous Xydroychloroquine.
- Lopinavir-ritonavir : efficacité in vitro. Une étude de 199 patients randomisée et contrôlée ne montre pas de différence en terme de mortalité ni de diminution de la durée des symptômes.
- Les glucocorticoides ne sont pas reconnus comme un traitement du COVID. Ils ont montré une augmentation de la mortalité dans la prise en charge du MERS-CoV et bien qu’ils aient été utilisés à large échelle dans le traitement de l’ARDS, les études n’ont pas montré de bénéfice à court et long terme. L’administration de glucocorticoides reste recommandée dans pour les indications établies (BPCO décompensée par exemple). Une étude a « contre-sens » dans le NEJM montre un résultat contraire, mais la revue de l’étude (pre-release) doit encore être faite pour se prononcer.
- Proscription des AINS : certains cliniciens ont mentionné un potentiel effet délétère des AINS au cours du COVID. Ces remarques sont basées sur des cas anecdotiques de jeunes patients ayant reçu des AINS au cours de leur maladie et qui ont mal évolué. Aucune étude sérieuse est disponible actuellement et nous proposons de prescrire du Dafalgan et de la minalgine en préférence. Il ne faut pas stopper un traitement d’AINS en cours.
Selon l’OMS, la durée de la maladie varie entre 2 semaines pour les cas peu sévères et jusqu’à 6 semaines pour les cas sévères. Des anticorps apparaissent chez les personnes ayant été infectées et semblent conférer une protection dont la durée n’est actuellement pas connue. Il n’est actuellement pas certain que tous les patients infectés développent une immunité. Aucun vaccin ne sera disponible prochainement, mais des tests immunisation passive par transfusion de plasma contenant des IgG au COVID sont en cours. Un dépistage avec sérologies IgG et IgM au COVID est en cours de réalisation dans certains centres universitaires suisses et sera probablement déployé plus largement en Suisse au plus tard à l’automne.
Et la suite ? … On ne sait actuellement pas combien de temps cela va durer mais on sait que nos sociétés occidentales ne peuvent supporter plus de 2 mois de confinement sans faire face à des problématiques économiques majeures (en parlant de l’économie réelle, sans prendre en compte l’économie spéculative). Les prévisions actuelles font état de 18 mois de pandémie au niveau mondial, ce qui suit les traces de la grippe espagnole de 1918 qui avait évolué en 3 vagues successives, la dernière vague ayant été la moins meurtrière en raison d’une immunité partielle de la population. L’impact au niveau sanitaire des différentes vagues dépendra d’une multitude de facteurs : les mesures de désescalades de la quarantaine opérées par les institutions étatiques, l’immunité conférée par la première infection, la réponse physiologique en cas de réinfection (de type « dengue » avec une maladie plus sévère ? ou alors moins sévère en raison d’une immunité partielle ?), d’éventuelles mutations du virus.
Il faut s’attendre à une crise qui va s’installer sur la durée avec un déconfinement progressif et (on l’espère) régulé de la population pour permettre, non un retour à la « normale » mais une reprise de l’activité dans nos sociétés.
Bibliographie
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